La fréquence FM de RFI à Berlin est un enfant de la réunification. Après la chute du Mur, il y a bientôt 35 ans, les deux Allemagnes ne font plus qu’une à compter du 3 octobre 1990. Les quatre alliés vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale — les Américains, les Russes, les Français et les Britanniques – qui disposaient chacun d’un secteur dans la ville divisée se retirent à la fin de l’été 1994 de la nouvelle capitale allemande. Ce départ met fin aux règles particulières liées à cette présence alliée, y compris aux fréquences radio dont ces forces disposaient.
Les Français mettent en place, plus tard que leurs homologues, un émetteur militaire baptisé « Forces françaises de Berlin » (FFB). Il commence à émettre symboliquement le 8 mai 1957, douze ans après la victoire contre le régime nazi. Radio FFB reprend essentiellement les programmes de France Inter, de France Culture et de France Musique. Au milieu des années 1970, seuls ceux de France Inter sont diffusés à Berlin.
Une fenêtre vers le monde extérieur
Le traité franco-allemand de l’Élysée de 1963 promeut le rapprochement avec le pays voisin. Des cours de français sont proposés à partir des années 1960 ainsi que des émissions en allemand pour informer les Berlinois sur le pays voisin. Ces programmes sont produits à partir de la moitié des années 60 par l’audiovisuel extérieur de l’ORTF, qui devient RFI à compter de 1975.
La reprise de ce programme en allemand (une heure quotidienne de 18h à 19h) sur la fréquence berlinoise 93.6 FM, aux côtés des programmes de France Inter, permet donc de faire remonter notre présence sur place aux années 60. Des Allemands francophiles se rappellent encore aujourd’hui avec nostalgie de cette période pionnière. Pour les auditeurs de l’ex-RDA, pour lesquels la France demeurait une destination inaccessible, ces émissions constituaient une fenêtre vers le monde extérieur. À partir des années 1980, radio FFB dispose d’une fréquence FM en Basse-Saxe près de la frontière inter-allemande, qui permet d’atteindre des auditeurs supplémentaires. Cet émetteur disparaitra au printemps 1993.
1994 : RFI émet de Berlin
La réunification allemande va donc rebattre les cartes. Dès 1991, la France fait connaître son intention d’être candidate à une fréquence sur la bande FM berlinoise. Deux opérateurs sont sur les rangs : RFI et Radio France, qui diffuse donc depuis longtemps le programme de France Inter dans la capitale allemande. À l’automne 1993, les ministères de tutelle à Paris rendent un arbitrage en faveur de Radio France Internationale. La radio dépose alors sa candidature auprès de l’autorité de régulation.
Le dossier déposé initialement prévoit la reprise 23 heures par jour de la radio mondiale et le maintien des émissions en allemand. La candidature de RFI est approuvée et notre radio commence à émettre à Berlin à partir d’octobre 1994. Depuis, cette fréquence a été renouvelée à plusieurs reprises. La dernière prolongation a eu lieu l’an dernier et court jusqu’en 2030. RFI émet à Berlin depuis 2012 sur 96.7 FM.
Cette dernière prolongation a montré combien l’indépendance des médias publics joue un rôle central pour l’autorité de régulation de Berlin-Brandebourg et au-delà en Allemagne. Une exigence qui a gagné en importance après les dérives des médias russes, également en Allemagne, ces dernières années. Un dialogue fructueux entre RFI et la MABB a permis de rassurer les responsables de l’autorité de régulation sur les conséquences de la suppression de la redevance en France en 2022. L’utilisation d’une partie des recettes de la TVA pour financer l’audiovisuel public, qui devrait être pérennisée cet automne, garantit leur indépendance, deux critères essentiels en Allemagne.
Durant ces trois décennies, notre enracinement local s’est développé. Une première étape importante a eu lieu en 1996-97. Le programme en allemand double son temps d’antenne. À l’heure d’émission quotidienne (celle de 18 heures), s’ajoutent deux demi-heures le matin et à la mi-journée. Si ce programme conserve sa mission première — informer en allemand sur la France depuis Paris, un reportage est produit chaque jour à Berlin pour ces émissions.
Cet ancrage éditorial va de pair avec l’ouverture d’un bureau dans la capitale allemande au début de l’année 1997. Le quotidien Berliner Zeitung titre « un fort intérêt pour Berlin ». Jack Lang, qui préside en février 1997 le jury du festival du film de Berlin, est un des premiers invités de marque à accorder une interview à RFI depuis les studios de radio NRJ, où notre radio est installée à l’époque. Juan Gomez dont l’émission « Appels sur l’actualité » a été lancée l’année précédente se déplace à Berlin pour l’occasion. RFI est le partenaire de la première édition de la version berlinoise du festival de musique Francofolies qui commence peu après.
Le bureau de Berlin de RFI va gagner en importance avec le déménagement du gouvernement et du parlement allemands de Bonn à Berlin deux ans plus tard. La couverture de l’actualité politique et diplomatique s’intensifie. Notre radio profite de l’événement pour lancer une campagne de publicité sur place avec comme slogan « RFI dans les métropoles du monde, à la maison à Berlin ». À l’occasion de la Love Parade, le Woodstock de la musique techno qui bat un record historique avec 1,5 million de ravers dans la capitale allemande en juillet 1999, RFI réunit des DJ français pour une soirée dans un club branché de Berlin.
Se rapprocher des auditeurs
L’autre étape majeure dans l’enracinement berlinois de RFI commence en 2003 lors du quarantième anniversaire du traité franco-allemand de l’Élysée. Depuis son ouverture, le bureau de Berlin a présenté de nombreux concerts d’artistes francophones et participé à la fête de la musique berlinoise. En 2003, RFI décide de renforcer ses liens dans la capitale allemande en y installant un club des auditeurs. Une fête marque son lancement. La nouvelle structure recrute des membres, organise des partenariats avec les acteurs du monde francophone de Berlin et propose des événements réguliers.
L’année 2009 est marquée par la mobilisation de nos auditeurs berlinois qui protestent contre la disparition annoncée des programmes en allemand de RFI dans le cadre d’un plan d’économies. Ce combat est perdu mais débouche sur la création d’une nouvelle structure : une association de droit allemand, le « Club de RFI Berlin ». Quinze ans plus tard, ce dernier dispose de 200 membres cotisants, ce qui en fait sans doute l’association francophone la plus importante à Berlin. Notre lettre d’information régulière est reçue par plus de 8 000 personnes. Notre site www.clubrfiberlin.de informe sur l’association, propose un calendrier de l’actualité culturelle francophone à Berlin et fournit des adresses utiles. Chaque semaine des places gratuites sont proposées pour des spectacles (cinéma, théâtre ou autre).
Le club de RFI Berlin a noué des partenariats et organisé des manifestations en commun avec nombre de structures comme l’Institut français, le Centre français de Berlin, le centre de recherche en sciences sociales Marc Bloch... La plupart de ces structures sont représentées au sein de notre conseil consultatif (Beirat). Ces interactions s’illustrent à travers la journée annuelle des associations francophones à Berlin où le club RFI est présent depuis les origines.
Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias monde, et Cécile Mégie, ancienne directrice de RFI, à Berlin en septembre 2017.
Ces derniers mois, nous avons proposé des débats publics sur la politique africaine de la France et de l’Allemagne, sur la présence francophone au festival du film de Berlin ou avec les candidats à la députation dans la septième circonscription des Français de l’étranger, qui inclut l’Allemagne. Nous rendons régulièrement visite à d’autres médias installés à Berlin comme la Deutsche Welle, Arte, l’AFP ou au printemps le quotidien Tagesspiegel. Les visites d’exposition ou des rendez-vous conviviaux comme la fête annuelle du club rencontrent un franc succès. Les auditeurs berlinois sont évidemment associés aux opérations spéciales de RFI à Berlin consacrées, par exemple, aux élections générales tous les quatre ans.
Notre soirée, mercredi 23 octobre au Deutsches Theater pour célébrer le trentième anniversaire de la fréquence de RFI, ne dérogera pas à cette règle. De nombreux auditeurs y participeront. La réception commencera par un débat sur les menaces des manipulations pour la liberté de la presse auquel participeront Cécile Mégie pour France Médias monde, Peter Limbourg, le PDG de la Deutsche Welle et la directrice de Reporters sans frontières en Allemagne. La présidente directrice de FMM, Marie-Christine Saragosse, prendra ensuite la parole avant de partager avec ses invités un gâteau d’anniversaire
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